CALISTO PERETTI


(Extrait du livre "… per un sacco di carbone" de Maria Laura Franciosi, Acli, 1996)


Bien avant le traité italo-belge du 23 juin 1946 donnant le cout d'envoi à l'immigration de 50.000 travailleurs italiens en Belgique, fuyant le fascisme, mes parents s'installèrent en Belgique dans les années '30. Ils furent logés successivement à Hautrage, à St. Ghislain, à Tertre et finalement dans un baraquement à Villerot, un petit village à proximité de Tertre où prenait naissance un nouveau charbonnage. Mon père y avait été engagé et travaillait au creusement des puits. Le travail se faisait le plus souvent dans l'eau jusqu'à la ceinture et les journées étaient longues. Le soir, harassé, il parcourait à pied les 10 kms du retour vers Villerot et, bien sûr, il n'y avait pas encore de salles de douches installées. Il marchait donc par tous les temps, mouillé et sale dans ses habits de travail. Vous vous imaginez cet homme venant d'un pays chaud er subissant un tel régime.

La maladie
La pneumonie ne se fit pas attendre. Les antibiotiques n'existant pas à l'époque, cette maladie se transforma à la longue en tuberculose. Incapable de travailler, mon père dut s'aliter et  comme à l'époque aucune aide sociale n'existait, ma mère se vit obligée de travailler, quatre enfants faisant partie du ménage. Elle fut donc engagée à travailler la nuit au charbonnage de Tertre, soit à la lampisterie, soit à la lessive des habits de travail des ingénieurs. Le jour elle s'occupait des enfants et du ménage, mon père en étant incapable. Vivant dans la misère et la malnutrition, deux enfants moururent en deux mois de temps, Lydia (6 mois) et Calisto (3 ans) dont je porte le prénom. L'année 1937 fut l'année de ma naissance. Lorsque ma mère accoucha, affaiblie à l'extrême, elle eut une hémorragie et fit une forte dépression nerveuse. En ce temps-là, dépression se confondait sans doute avec folie, les médecins décidèrent de l'interner à Tournai chez les malades mentaux. Mon père refusa catégoriquement et voulant éviter que ses enfants soient envoyés à l'orphelinat, il reprit son travail (la direction du charbonnage lui avait fait signer une décharge avant qu'il ne reprenne son travail). Il mourut six mois après ma naissance à l'âge de 31 ans.
Le sacrifice de mon père est toujours resté douloureusement présent dans ma mémoire et, l'âge aidant, je me rends compte à quel point ce fût pour lui une torture physique atroce de travailler au fond de la mine, tuberculeux et à bout de force jusqu'à son dernier souffle, mais plus atroce encore la torture morale d'être conscient qu'il allait nous quitter sans savoir ce qu'il adviendrait de nous…. J'aurais tellement voulu le connaître! Par la suite, vivant dans le baraquement humide et froid, j'ai contracté inévitablement une bronchopneumonie. Parfois, un flash-back ravive en moi le souvenir fiévreux et douloureux d'une chanson que me chantait maman, un sanglot dans la voix: "Nanna dodo, nanna dodo, questa sera vien papa". Pour les médecins j'étais condamné! Un couple d'immigrés tchèques compatissants aidait ma mère comme il le pouvait. Ces braves gens étaient adeptes du Culte Antoiniste considéré à tort comme une secte qui n'avait rien de sectaire puisque respectueux de toutes philosophies et religions. Maman, malgré son éducation chrétienne, en désespoir de cause, accepta leur aide. Il y a très longtemps je me souviens qu'un jour elle m'avait raconté m'avoir guéri, suivant leurs conseils, en m'enduisant complètement d'une mixtion d'herbes et d'huiles (probablement essentielles). Quoique l'on puisse penser, je leur doit la vie et le respect! Maman leur est restée fidèle jusqu'au bout.
Continuant à vivre dans les difficultés avec nous trois, toujours ce même couple tchèque connaissait M. et Mme Masson, un ménage sans enfants qui, charitable, m'ont accueilli, nourri, soigné et entouré d'amour durant près de 3 années. Ils sont devenus parrain